HANNAH ARENDT ET LA BANALITÉ DU MAL

HANNAH ARENDT ET LA BANALITÉ DU MAL

PAR MARTIN LEGROS

Improvisations au piano : PIERRE-FRANÇOIS BLANCHARD

UNE PETITE HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE EN SEPT ÉPISODES

  • 7e séance : HANNAH ARENDT ET LA BANALITÉ DU MAL

En partenariat avec PHILOSOPHIE MAGAZINE

Sept lectures participatives de petits extraits décisifs des grands textes de l’histoire de la philosophie, de Platon à Hannah Arendt, accompagnés de musique improvisée. Pour se coltiner en direct et de manière vivante aux grands moments de la philosophie.

Après une courte introduction qui présente le philosophe et l’œuvre du jour, on lit ensemble, ligne à ligne, le texte en essayant d’en comprendre les articulations fondamentales mais aussi les questions qu’il soulève. Tout au long de la séance, Martin Legros incite le public à réagir au texte pour en interroger le sens. 

 

Philosophe et journaliste, Martin Legros est rédacteur en chef de Philosophie magazine et de Philomag.com. Il est l’auteur de Pantopie (Le Pommier), entretiens avec Michel Serres et de Que faire ? Dialogue entre Alain Badiou et Marcel Gauchet (Philosophie magazine Editions), il dirige la collection 20 Penseurs (Philosophie magazine Editeur). 

 

PROGRAMME 2022 -2023 :

  • 1er séance (4/10/2022) : Platon. L’allégorie de la caverne ou la découverte du monde des idées. 
  • 2eme séance (29/11/2022) : Aristote, L’homme est un animal politique 
  • 3eme séance (13/12/2022) : Saint Augustin et la découverte de l’intériorité
  • 4e séance (10/1/2023) : Descartes, « Je pense donc je suis ». 
  • 5e séance  (7/2/2023) : Rousseau et la différence entre l’homme et l’animal
  • 6e séance (7/3/2023) : Emmanuel Kant et l’universalité du beau
  • 7e séance (4/4/2023) : Hannah Arendt et la banalité du mal

 

Auteur : Hannah Arendt (1906-1975)

 

Texte : La vie de l’esprit (1977)

 

Enjeu : Assistant au procès du criminel de guerre nazi Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961, la philosophe Hannah Arendt forge un concept, la banalité du mal, pour tenter de cerner la nouvelle figure du mal auquel nous confronte le totalitarisme. Au prix de nombreux malentendus et d’une gigantesque polémique. Raison de plus pour essayer de comprendre le sens et la pertinence de cette notion qui est devenue un lieu commun mal compris et galvaudé.  

 

Extrait :

 

« Tout a commencé quand j’ai assisté au procès Eichmann à Jérusalem. Dans mon rapport, je parle de la « banalité du mal ». Cette expression ne recouvre ni thèse, ni doctrine bien que j’aie confusément senti qu’elle prenait à rebours la pensée traditionnelle – littéraire, théologique, philosophique – sur le phénomène du mal. Le mal, on l’apprend aux enfants, relève du démon ; il s’incarne en Satan (qui « tombe du ciel comme un éclair » (saint Luc, 10,18), ou Lucifer, l’ange déchu (« Le diable lui aussi est ange » – Miguel de Unamuno) dont le péché est l’orgueil (« orgueilleux comme Lucifer »), cette superbia dont seuls les meilleurs sont capables : ils ne veulent pas servir Dieu ils veulent être comme Lui. Les méchants, à ce qu’on dit sont mus par l’envie ; ce peut être la rancune de ne pas avoir réussi sans qu’il y aille de leur faute (Richard III), ou l’envie de Caïn qui tua Abel parce que « Yahvé porta ses regards sur Abel et vers son oblation, mais vers Caïn et vers son oblation il ne les porta pas ». Ils peuvent aussi être guidés par la faiblesse (Macbeth). Ou, au contraire, par la haine puissante que la méchanceté ressent devant la pure bonté (Iago : « Je hais le More, Mes griefs m’emplissent le cœur » ; la haine de Claggart pour l’innocence « barbare » de Billy Budd, haine que Melville considère comme « une dépravation de la nature ») ou encore par la convoitise, « source de tous les maux » (Radix omnium malorum cupiditas). Cependant, ce que j’avais sous les yeux, bien que totalement différent, était un fait indéniable. Ce qui me frappait chez le coupable, c’était un manque de profondeur évident, et tel qu’on ne pouvait faire remonter le mal incontestable qui organisait ses actes jusqu’au niveau plus profond des racines ou des motifs. Les actes étaient monstrueux, mais le responsable – tout au moins le responsable hautement efficace qu’on jugeait alors – était tout à fait ordinaire, comme tout le monde, ni démoniaque ni monstrueux. Il n’y avait en lui trace ni de convictions idéologiques solides, ni de motivations spécifiquement malignes, et la seule caractéristique notable qu’on décelait dans sa conduite, passée ou bien manifeste au cours du procès et au long des interrogatoires qui l’avaient précédé, était de nature entièrement négative : ce n’était pas de la stupidité, mais un manque de pensée. Dans le cadre du tribunal israélien et de la procédure carcérale, il se comportait aussi bien qu’il l’avait fait sous le régime nazi mais, en présence de situations où manquait ce genre de routine, il était désemparé, et son langage bourré de clichés produisait à la barre, comme visiblement autrefois, pendant sa carrière officielle, une sorte de comédie macabre. Clichés, phrases toute faites, codes d’expression standardisés et conventionnels ont pour fonction reconnue, socialement, de protéger de la réalité, c’est-à-dire des sollicitations que faits et événements imposent à l’attention, de par leur existence même. On serait vite épuisé à céder sans cesse à ces sollicitations ; la seule différence entre Eichmann et le reste de l’humanité est que, de toute évidence, il les ignorait totalement. »

(La Vie de l’esprit, Traduction de l’américain par Lucienne Lotringer)

Conférence

Infos

  • 4 avril 2023
  • mardi, 20:00 à 21:30

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  • Tarif normal

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